À 77 ans, Alain Bodart publie ‘Mytho-Mann’, son huitième roman et son onzième livre. : voilà une étape de plus dans une carrière littéraire entamée par accident, après une vie entière consacrée à l’entreprise. Fondateur des Ateliers Bodart & Valter à Seraing qui ont compté jusqu’à 70 collaborateurs, spécialisés dans le mobilier acoustique, Alain a mené une carrière intense jusqu’en 2012, avant qu’un grave problème de santé ne l’oblige brusquement à tout arrêter. « On m’a interdit toute activité physique » confie-t-il. « Il me fallait un nouveau terrain de jeu. L’écriture s’est imposée comme une révélation. »
Son premier livre, ‘Une vie normale mais pas banale’ (2012), écrit à quatre mains avec la complicité de Frédéric Van Vlodorp, marque le début d’un parcours inattendu. Suivra une seconde autobiographie, ‘Le Tic-Tac de l’Attaque Tique’, où il raconte comment une morsure de tique ayant rendu sa femme malade a bouleversé leur vie jusqu’à les mener, en 2016, à adopter un jeune homme de 24 ans, Pendant le confinement, Alain tient une chronique au quotidien : ‘La Covid 19 vu par le petit bout de la lorgnette’.
« J’ai alors eu l’idée d’écrire un premier roman, mais je n’avais pas les clés » explique-t-il. « J’ai donc suivi un atelier d’écriture. »
Le premier roman suit. « Ce sera un deuxième déclic pour entamer une deuxième carrière d’apprenti écrivain. »
Depuis, Alain Bodart a publié sept romans, rejoints récemment par ‘Mytho-Mann’.
Au début de cette année, ce natif de La Gleize passé par l’Ecole Normale de Verviers, a été admis à l’Association des écrivains belges de langue française. « Pour quelqu’un qui vient du monde de l’entreprise, être reconnu par ses pairs, c’est une vraie fierté. »
Des romans nourris de l’esprit d’entreprise
Les héros d’Alain sont souvent des entrepreneurs — victorieux ou en échec. « J’ai passé ma vie à créer, diriger, décider. Mes personnages ne pouvaient pas être autrement » sourit-il en rappelant qu’il a été le premier en Europe à lancer dans son entreprise la semaine de 4 jours de 9h. Ses intrigues plongent dans l’Histoire, s’ancrent dans des faits réels, mêlent humour irrévérencieux et observations sociétales. Il égratigne volontiers les institutions, y compris religieuses, et travaille chacune de ses histoires comme on mène un projet d’entreprise : avec méthode, documentation et recherche.
‘Mytho-Mann’ n’échappe pas à la règle. L’idée lui vient d’une chronique entendue sur une radio, racontant comment un père de famille était parvenu à se faire passer pour médecin de l’Organisation Mondiale de la Santé. Le roman se déroule entre Liège, Spa et Lierneux, et aborde des thèmes qui lui sont chers : l’entreprise, le handicap, les conséquences de la Seconde Guerre mondiale – il est fils de Résistant. « J’ai un fil, et je tire dessus. Le reste, ce sont les heures de recherche et d’écriture qui le construisent. »
Un auteur plus connu en France… pour l’instant
Contactés au début de sa nouvelle carrière par Alain Bodart, les éditeurs belges et français, saturés depuis le Covid, n’avaient plus de place dans leur planning. Mais l’ancien entrepreneur se souvient d’un ancien contact professionnel qui lui fait à nouveau confiance : les Éditions Ovadia à Nice.
Résultat : Alain est aujourd’hui davantage lu en France qu’en Belgique. Ses romans sont toutefois disponibles en ligne sur les grandes plateformes.
Le jeune écrivain, qui a son propre site, s’est constitué un public fidèle qui lui envoie régulièrement des commentaires.
Hémiplégique, Alain Bodart écrit à une main et deux doigts au rythme de « trois romans en deux ans » et s’appuie sur CléA (un club de lecteurs et auteurs) puis sur son équipe de cinq relecteurs. Son neuvième roman, ‘Capucine, une histoire de famille » sera disponible dès janvier 2026.
« Quand j’ai fini un livre, je suis en deuil du personnage. Je ne peux plus m’en occuper » glisse-t-il avec une pointe d’émotion.
La présélection de ‘Mytho-Mann’ pour le Prix Victor Rossel 2025 a représenté pour lui « une nouvelle petite victoire ». Pas mal pour un écrivain qui s’est réinventé à plus de 60 ans. Une preuve, s’il en fallait, que l’esprit d’entreprise peut mener à toutes les formes de création.

