L’industrie occupe une place singulière dans la dynamique économique wallonne. Mais concrètement, quelle est sa place dans la statistique économique ? Petit tour d’horizon rapide.
L’industrie reste un secteur structurant de l’économie wallonne
L’industrie [1] occupe une place non négligeable dans l’économie wallonne, et comptait pour 14,6 % de la valeur ajoutée réelle en 2023. Ce niveau est supérieur à la moyenne nationale, ce qui s’explique principalement par la faible activité industrielle à Bruxelles. Tandis que la part de l’activité industrielle stagne au niveau européen et se réduit en Flandre, on observe une tendance positive de l’activité industrielle en Wallonie depuis 2021, dont le poids dans la valeur ajoutée totale a augmenté de 1,8 point de pourcentage. Cela rapproche la région du niveau observé en Flandre mais reste loin de l’objectif des 20 % observé en Allemagne.
L’augmentation importante observée en 2022 s’explique principalement par un rebond d’activité de l’industrie plus rapide que d’autres secteurs (en particulier les services, dont le poids est prépondérant dans notre économie régionale).
Sur une période plus longue cependant, la tendance est légèrement baissière. Il est important de préciser que la baisse de cet indicateur n’est pas synonyme de désindustrialisation à proprement parler, mais plutôt d’une désindustrialisation relative aux autres secteurs. En effet, le taux de croissance annuel moyen de la valeur ajoutée réelle de l’industrie entre 2003 et 2023 reste positif (+1,3 %).
L’industrie wallonne se concentre sur un nombre réduit de domaines d’excellence
L’industrie manufacturière peut se diviser en plusieurs sous-secteurs industriels, comme illustré au graphique 2. Depuis 2003 en Wallonie, l’industrie pharmaceutique a pris une importance croissante dans la valeur ajoutée industrielle. La part de ce secteur est en effet passée de 15 % en 2003 à 39 % en 2023, reflétant ainsi une forte spécialisation dans ce secteur. Comme nous le verrons par la suite, ce secteur joue un rôle crucial au niveau des exportations et de l’emploi [2].
Bien qu’il soit bénéfique que l’industrie wallonne se développe dans des secteurs à haute valeur ajoutée, comme l’est la pharmacie, une concentration des activités dans un trop petit nombre de secteurs représente également un risque pour la diversité de l’économie, ce qui la rend plus sensible aux crises conjoncturelles et structurelles.
L’industrie pharmaceutique est donc le premier sous-secteur en termes de valeur ajoutée industrielle, suivi par l’agroalimentaire (13 %) et par l’industrie du caoutchouc et de plastiques (10 %).
Notons que d’autres domaines d’excellence propres à la Wallonie ne ressortent pas de ces statistiques en raison d’une classification moins évidente dans les codes NACE, comme par exemple l’aéronautique ou la défense.
L’emploi industriel wallon est en diminution constante
La part de l’emploi industriel manufacturier dans l’emploi total n’a de son côté cessé de diminuer depuis 2003, tant en Wallonie qu’en Flandre. Cette tendance est donc générale.
Si en 2003 l’industrie manufacturière wallonne fournissait près de 13 % du total de l’emploi wallon, cette part ne s’élevait plus qu’à 9,6 % en 2023. Une nouvelle fois, les écarts en niveau avec la Flandre sont importants mais tendent à se réduire depuis 20 ans. Ainsi, la différence entre les deux régions était de 5 points de pourcentage en 2003 contre 2,2 points de pourcentage en 2023. L’augmentation importante de la productivité industrielle (voir graphique 5) explique en partie ce recul de l’emploi industriel et la relative stabilité de son poids dans le PIB.
L’Allemagne, pays fortement industrialisé, présente logiquement un taux bien plus élevé, avec une part de l’emploi industriel deux fois supérieure à ce que l’on observe en Wallonie.
Le graphique 4 montre l’évolution de la répartition de l’emploi entre les sous-secteurs industriels manufacturiers. Le secteur agroalimentaire est ainsi le premier pourvoyeur d’emplois industriels manufacturiers, représentant plus d’un emploi industriel sur cinq en 2023. Cette part n’a cessé de croître depuis 2003, passant de 16 % à 21 % en 2023.
L’industrie métallurgique, longtemps le plus gros pourvoyeur d’emplois industriels, est devenue le deuxième secteur à partir de 2014.
Au niveau de l’industrie pharmaceutique, on observe également une augmentation sensible, la part de l’emploi ayant presque doublé au cours des 20 dernières années (passant de 6 % en 2003 à 11 % en 2023). Cela reflète en partie l’évolution observée du poids du secteur pharmaceutique dans la composition du tissu industriel wallon (voir graphique 2).
La productivité de l’industrie wallonne au sommet
La productivité industrielle [3] a considérablement augmenté au cours des 20 dernières années, contrairement à la productivité dans les services marchands qui n’a que peu augmenté. Cette évolution contrastée est très logique, compte tenu de l’impact majeur des investissements productifs sur l’indicateur, bénéficiant logiquement au secteur industriel.
En 2023, la productivité industrielle est légèrement plus élevée qu’en Flandre, et largement plus élevée qu’en Allemagne. Une augmentation de la productivité du travail a des répercussions positives, car elle est souvent synonyme d’augmentation de salaire pour les employés.
L’industrie reste le principal pilier des exportations wallonnes
Les exportations jouent un rôle majeur dans l’activité économique. En effet, la taille réduite du marché intérieur en Wallonie limite rapidement les perspectives des entreprises, qui sont amenées à prospecter les marchés étrangers pour y trouver de la croissance. Les exportations dépendent étroitement de l’industrie, qui fournit presque la totalité des exportations de biens en Wallonie, soit 68 % des exportations totales de la région en 2023 (voir graphique 7).
Logiquement, le premier secteur exportateur de biens en Wallonie est l’industrie pharmaceutique, qui représente 40 % du total des exportations en 2024. Depuis 2014, ce secteur prend d’ailleurs de plus en plus d’importance puisque sa part dans le montant total des exportations a presque doublé au cours des dix dernières années. Toutefois, nous constatons que cela reflète la même évolution du poids du secteur pharmaceutique dans la composition du tissu industriel wallon, lequel s’est accru dans des proportions équivalentes au cours de la même période (voir graphique 2). Le vaccin est le produit phare du secteur pharmaceutique, bien que son poids ait diminué depuis 2014, passant de 15 % du montant total des exportations à 9 %.
Les autres produits exportés par la Wallonie sont les métaux communs (11 %), les produits minéraux (7 %), les machines et équipements (7 %), les matières plastiques et caoutchouc (5 %), ainsi que les produits des industries chimiques (4 %).
[1] Selon le Bureau fédéral du Plan (L’industrie a-t-elle un avenir en Belgique ? Working Paper 10-2004), l’industrie regroupe l’ensemble des branches qui fabriquent des biens matériels, pouvant être stockés, transportés et consommés à un endroit autre que celui du lieu de production. Bien que cette définition traditionnelle tend à devenir théorique car la frontière entre services et industrie tend à s’estomper, les statistiques officielles se basent encore sur cette définition. Dès lors, et sauf mention contraire, le terme « industrie » dans cet article fait exclusivement référence à l’industrie manufacturière.
[2] Le secteur pharmaceutique joue également un rôle clé dans la R&D, mais ceci dépasse le cadre de cet article.
[3] La productivité est ici calculée comme le rapport entre la valeur ajoutée réelle et le nombre d’employés. Les augmentations de productivité étant également liées aux investissements en capital des entreprises, cet indicateur est souvent appelé « productivité apparente du travail ».
par Jean-Christophe Delahu (AKT for Wallonia)